Couchant sur pylônes
Pourquoi ce couchant merveilleux, ce grand oiseau de soie tout poudré d'or, s'était-il posé au-dessus d'un parking ? Pourquoi s'appuyait-il si laidement sur les branches de fer de deux pylônes, et sur le toit de tôle d'un obscur entrepôt ? Il aurait pu choisir pour s'exposer un cadre d'océan dentelé de rochers, un pic échevelé de glaces, un bouquet d'arbres attendri d'automne... Mais non, c'était là qu'il était venu nous chercher, sans crier gare. Dans l'ombre crasse de ce soir de banlieue, il y avait même un ange, qui passait lui aussi du côté du parking.
La beauté, quand elle s'en vient vers nous, ne s'embarrasse jamais de prévenir, c'est à nous d'être prêts, et souvent nous ne savons pas la voir, parce qu'elle n'est pas à la place où nous l'attendions. Capricieuse et folâtre, elle aime tant se présenter en mendiante, dans les loques méconnaissables de l'élégant costume que nous avions si bien taillé pour elle que nous le confondions avec elle...
C'est qu'elle ne vit que de surprendre, et qu'elle ignore ce qu'est Le Beau.