Un oiseau dans la ville
C'était l'un des plus modestes étals parmi ces humbles stands que tiennent, sur le pavé et sous la pluie, les vendeurs africains du square La Pérouse.
Près des chèches très ordinaires accrochés aux poteaux rouillés, devant les sacs et les porte-monnaie de cuir, un bel oiseau soyeux s'était posé tout doucement sur une barre de fer, comme sur une branche. Dans ce jour gris de mauvais temps, le vent gonflait son aile de coton. Et devant lui il regardait, de son oeil doux comme la nostalgie, on ne savait quoi de beau, de vif et de déjà enfui, qu'il aurait voulu embrasser de son bec.
Oiseau d'ici venu de loin, oiseau d'ailleurs et de toujours, enfant léger et coloré d'une forêt de feuilles, passant du ciel et des nuages, assoiffé de toute rivière.
Oiseau dont les pattes sont comme des brindilles, dont le ventre est comme un fruit mûr, dont l'aile est comme un automne, et dont l'oeil est la goutte froidie de pluie où dansent les reflets des soleils disparus.
Oiseau veillant sur le granit et le ciment, oiseau niché dans la rouille et dans la misère.
Oiseau qui ne chante plus, oiseau attendant sans rien dire l'heure de l'envol immense.
Oiseau migrateur, oiseau migrant, toi qui n'as cessé de croire au ciel, à quoi rêves-tu comme un homme dans cette ville grise ?