Chemin des violettes
Chemin des violettes, c'est un opticien qui a repeint le mur. Et je crois qu'il est de ceux qui peuvent fournir aux passants ce que Baudelaire avait vainement voulu extorquer à son mauvais vitrier : des verres qui font voir le monde en beau... A moins qu'il ne soit simplement de ceux qui se souviennent.
Sous ce pinceau naïf et pur, le vieux chemin de sous-bois recouvert de bitume a retrouvé ses pas de boue rousse, de vaches jaunes, et d'herbe bleue. Le soleil roule comme un chien fou sur les prairies de voitures. Les violettes au parfum de source, devenues myosotis, ouvrent des yeux de bergères tendres sur le béton urbain. Les papillons aux ailes de bourdons dansent sur les ruisseaux débondés que chahutent les digitales. Et la forêt grandit dans l'ombre quelque part, là où les murs s'écroulent, brusquement vaincus par le flot mousseux des fougères, par la vague légère des violettes rêveuses.
Lorsque je suis entrée pour la première fois à Nantes, une poule, échappée d'une ferme voisine, picorait sous le panneau marquant le début de l'agglomération. C'était sur la route de Carquefou, en 1984, un matin de septembre. Pouvoir des mots : il suffit de lire, au coin d'une rue, sur une plaque rouillée, "chemin des violettes", et le monde enterré tout vivant sous nos pieds, esprit magicien de la lampe qui n'attendait que ce signal, le voilà aussitôt qui entre en scène avec son pinceau, dessinant le mirage toujours intact au fond de l'oasis, sur n'importe quel bout de mur gris.
Lorsque je suis entrée pour la première fois à Nantes, une poule, échappée d'une ferme voisine, picorait sous le panneau marquant le début de l'agglomération. C'était sur la route de Carquefou, en 1984, un matin de septembre. Pouvoir des mots : il suffit de lire, au coin d'une rue, sur une plaque rouillée, "chemin des violettes", et le monde enterré tout vivant sous nos pieds, esprit magicien de la lampe qui n'attendait que ce signal, le voilà aussitôt qui entre en scène avec son pinceau, dessinant le mirage toujours intact au fond de l'oasis, sur n'importe quel bout de mur gris.