Bye-bye
Au Jardin des plantes que je traverse si souvent, et toujours avec tant de bonheur, j'ai rencontré, cet après-midi, cette île merveilleuse. Elle s'abreuvait de bruine douce, et, de ses doigts très légers de feuilles mortes, le vent d'octobre l'ébouriffait un peu.
Un petit écriteau trempé, caché parmi les fleurs, expliquait aux passants que "B.B." était l'un des jardiniers, et qu'il allait partir à la retraite à la fin de ce mois après des décennies de labeur. Ses collègues lui dédiaient ce parterre d'automne, et cette haute tenture de feuilles qu'ils avaient brodée de ses initiales.
... On l'appelait B.B., il ne s'en formalisait pas, même sans doute cela lui plaisait bien, ce petit nom d'enfant, ainsi peut-être il n'avait pas vu venir la vieillesse, il ne s'était jamais bien avisé qu'un jour ces deux lettres voudraient dire "bye-bye".
Une vie au jardin. Tant de fatigue, et tant d'amis aussi.
Il m'a semblé brusquement que cet homme, là-bas, qui serrait ses deux mains contre ses reins comme le font ceux qui se sont trop courbés et qui souffrent du dos, que ce vieil homme qui s'éloignait, d'un pas très lent, sur le chemin gris de pluie semé de feuilles mortes, c'était lui, B.B., qui s'en allait, tout seul.