Le cercle
Les saisons passent et reviennent, nous rappelant sans bruit, si nous y prêtons garde, que seul le temps humain, cette illusion de nos pensées trop courtes et de nos vies précaires, est linéaire. Ainsi, dans les parcs de la ville, près des rues tristes où nous allons, passants fatigués, vers nos vies qui s'égarent, les massifs défleuris, desséchés et fripés, se parent, d'un même élan, de fruits, de feuilles mortes et de bourgeons.
Sur cette fleur encore splendide et dorée par le soir, une petite tache blanche, imperfection à peine visible mais appelée à grandir, posée par l'été mourant sur l'un des pétales encore vifs, annonçait déjà le déclin, l'âge et l'hiver.
Etait-ce un souci, un cosmos ou plutôt un petit tournesol rouge, tournant comme le monde, saignant comme les heures passées ? - je n'aurais su le dire. C'était simplement une fleur marquée pour la mort, tout aussi bien que les chênes qu'on abat aux grands bois de l'histoire.
L'hiver avait déjà posé sa main pâle et glacée sur son destin qui s'inclinait. Pourtant, alors que je la photographiais, une abeille d'automne, pure et luisante goutte de miel brun, est venue, comme au printemps, butiner - lutiner - son coeur vivant, ardent comme un soleil d'été.
Et le temps tout entier, le temps du monde, tenait en cercle, dans le tournoiement des saisons, de la fleur et de l'abeille sage.