Audace
Nantes - Statue de la Délivrance, oeuvre du sculpteur Emile Guillaume, déplacée, après le scandale provoqué par sa nudité, du mémorial du Cours Saint-André, où elle avait été érigée en 1927, au square de la Délivrance, sur l'ïle Beaulieu, près de l'actuel Hôtel de Région.
Elle danse, belle et nue, l'acrobate de la Délivrance, les pieds légers sur le globe qui roule. Et ses bras sont deux ailes emportées dans le chant ivre du soleil.
Comme l'Eve de Mabuse elle est nue sous ses muscles - sur sa boule elle court à pas pressés et nus, la pluie ruisselle en sueur noire sur ses aisselles nues, le soleil fait reluire ses cuisses de géante nue. Elle est absolument, désespérément, merveilleusement nue. Elle a le visage des saintes en extase, le cou noueux des écorchés, et les seins durs des jeunes filles. Elle crie pour les morts innombrables, elle chante pour les vivants qui résistent, elle enfante l'espoir dans son ventre arrondi. Cruelle et folle aussi, elle ouvre les flancs du ciel avec son petit couteau et brandit, vers ce qui la dépasse, son épée acérée comme un sceptre. Elle pourrait s'envoler, s'accrocher aux nuages - ou tomber - se noyer dans la vieille eau de Loire, se briser contre les pavés gris d'en-bas. Mais légère elle danse sur le globe qui roule, glorieuse et fragile, audacieuse, absurde, vivante, belle - et nue, comme l'humanité.