Au bord de la route

Publié le par Carole

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J'ai croisé cette femme hier soir, elle attendait sur le bord de la route, à côté de l'horodateur, à la sortie du parking, près de son gobelet de mendiante.
C'est dur d'être debout quand on est enceinte, mais pour mendier, c'est plus facile. Et puis ce n'était qu'une Rom...
Tant de controverses en ce moment sur ces Roms, n'est-ce pas ? Voilà une question sérieuse, une question pour journalistes, avec arguments et contre-arguments. Il y a des gens qui savent. Beaucoup qui croient savoir. Quelques-uns qui décident.
Moi, je ne suis ni des uns ni des autres.
Je me suis seulement demandée, quand j'ai pris la photo, si cette femme qui allait bientôt donner la VIE connaissait assez de français et savait assez bien lire pour comprendre le sens de ce mot majuscule, posé sur le grand sac bleu qui renfermait sa fortune du jour. Que contenait-il, du reste, ce baluchon de plastique qui était à ses pieds toute la VIE : prises de poubelles, épaves de trottoirs ? ou plutôt dons venus du tout proche Secours Populaire ? - étrange caverne d'Ali-Baba à l'envers d'où on voit sortir chaque jour de longues, lentes cohortes de pauvres, chargés de ce qu'il faut, à peu près, pour continuer la route, rester encore un peu en VIE.
Puis j'ai pensé à un autre mot : PRO-GRÈS... j'avais appris autrefois, quand j'étudiais le latin et l'histoire, que c'était la belle marche en avant, radieuse et triomphante, des peuples allant ensemble vers l'avenir, la splendide avancée d'une grande humanité réconciliée, sur l'avenue glorieuse des civilisations qui fait la VIE si belle, qui fait l'homme sacré.
PRO-GRÈS - un mot qui me plaisait tant, qui me faisait rêver... 
On ne m'avait pas dit qu'en réalité - comme on dit aujourd'hui quand on ne rêve pas, quand on est réaliste, qu'on a les pieds sur terre et la pensée loin des étoiles -, tant de gens en ce monde auraient à prendre l'autre route. La route grise, triste et honteuse, qui va sous les fenêtres murées des villes assombries, le long chemin où il fait faim, où il fait laid, où il fait froid. Qui laisse aux caniveaux tant de cadavres, et sur ses bords tant d'existences oubliées. Debout derrière les barrières. Près de leurs sacs de plastique. Regardant, de très loin, passer cette merveille majuscule qu'on appelle la VIE.

Publié dans Fables

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A
J'ose un petit bonsoir et comme j'ai dis à Géhèm, l'oeil et la plume de Carole un régal!<br /> Amicalement à bientôt.
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C
<br /> <br /> Merci, c'est si gentil, ce commentaire : un régal pour moi !<br /> <br /> <br /> A bientôt, je vous "recevrai" toujours très volontiers.<br /> <br /> <br /> <br />
G
Il y a -t-il vraiment une solution pour ces gens qui quittent leur pays d'origine, sont ils plus heureux ici ..je n'en suis pas sur dub tout. Les politiques buttent eux même sur la question ..la<br /> preuve !
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C
<br /> <br /> C'était juste un constat : dans nos sociétés occidentales de "progrès", ce qui progresse le plus, dirait-on, c'est la pauvreté, et, plus étonnant, l'acceptation de cette pauvreté. La solution ?<br /> Cela me dépasse bien sûr : sans doute des solutions plutôt qu'une ?<br /> <br /> <br /> <br />
J
Notre monde dit civilisé laisse sur le côté bien des êtres . Peut-on parler de destin malheureux, malchanceux ? Petite, j'avais appris que la vie était injuste mais on ne peut à ce titre accepter<br /> n'importe quoi.<br /> Tu as le regard affûté face à toutes scènes qui choquent ! Merci de nous entraîner dans ta réflexion. Amitié. Joëlle
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C
<br /> <br /> Je partage entièrement ton jugement sensible et nuancé, Joëlle. C'est sans doute dans notre acceptation du mal que commence vraiment le mal...<br /> <br /> <br /> <br />
N
J'ai le coeur serré, tout en admirant ton texte, et la photo, à laquelle on peut faire dire bien d'autres choses. Merci pour ce témoignage vibrant.
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C
<br /> <br /> Oui, on peut lui faire dire d'autres choses, car le sac de plastique est très "bavard". Mais je n'ai pas réussi à lire entièrement les slogans publicitaires qui le recouvraient, alors j'ai<br /> seulement retenu le mot VIE qui éclatait si bizarrement. <br /> <br /> <br /> <br />
@
Malheureusement, ces Roms pensent qu'ils vont trouver l'Eldorado ici en france. Ils se trompent ! J'espère que cette future maman aura plus de chance !.<br /> @.
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C
<br /> <br /> Peut-être que c'est le propre de tous les humains que de croire que ce sera mieux, ailleurs, demain... c'est ce rêve aussi qui permet de donner la vie. Alors, oui, espérons !<br /> <br /> <br /> <br />
Z
bien vu!
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C
<br /> <br /> La VIE, quoi !<br /> <br /> <br /> <br />
H
... écrire un mot seulement: Recueillement...<br /> <br /> Hélène*
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C
<br /> <br /> Alors un autre mot : Merci !<br /> <br /> <br /> <br />
D
Ton écriture en mots et en image, aussi ciselée que l'humanisme qu'elle contient, fait mouche, là, en dedans...<br /> Me voici accro de ton style, Carole...<br /> Grand merci à Géhèm de m'avoir guidée jusque là....<br /> <br /> Cette femme, qui sait, c'est peut-être la mère de mon Petit Marcel ?
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C
<br /> <br /> Dan, c'est un bonheur que de trouver un tel commentaire dans son "courrier" !<br /> <br /> <br /> Merci.<br /> <br /> <br /> <br />
M
Que tes paroles sonnent juste! La misère sociale n'est malheureusement pas près de diminuer, donner la vie aujourd'hui n'est pas anodin.
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C
<br /> <br /> Comme tu le dis, donner la vie n'est pas anodin. C'est une nécessité "vitale" pourtant pour les très pauvres, qui ont besoin d'une famille. Il paraît que tous les Roms de Nantes viennent d'une<br /> même ville, ils forment une communauté, sinon ils ne pourraient survivre.<br /> <br /> <br /> <br />
C
Tant d'exclus au bord de la route. Mais où sont les bons Samaritains ?
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C
<br /> <br /> Ils ne sont pas loin, puisque le Secours populaire est tout proche, mais ils ne peuvent suffire à la tâche.<br /> <br /> <br /> <br />
E
Bon mardi!
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C
<br /> <br /> Merci.<br /> <br /> <br /> <br />
D
dis moi, sais tu qu'il y a des lectures de blog qui ne laissent pas "intacts". Quel texte frappant. J'aime beaucoup ça. Ça donne à réfléchir. Merci.
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C
<br /> <br /> Dominique, il y a aussi des commentaires qui font chaud au coeur.<br /> <br /> <br /> C'est moi qui te remercie, pour elle.<br /> <br /> <br /> <br />
E
quand même cette inscription sur le sac... c'est à se demander si un metteur en scene magique ne se depeche pas, dès que tu es signalée dans le coin, de disposer les choses de façon signifiante sur<br /> ton passage...
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C
<br /> <br /> Pourtant je ne vais jamais bien loin pour prendre des photos, je les prends en vaquant à mes occupations ordinaires. Je travaille dans la rue d'à côté, je descendais vers l'arrêt du tram. Mais je<br /> dois dire que je ne marche pas vite, je prends le temps de regarder : le "metteur en scène", c'est le monde qui nous entoure, il a un talent incroyable...<br /> <br /> <br /> <br />
R
Ce qui m'a frappé, dans ce cliché, Carole, c'est la proximité de ces trois termes associés par le hasard de l'angle de prise de vue du sac : (la) " VIE AUSSI PLIE " ...<br /> <br /> Une réflexion en forme de coup de massue que semble devoir supporter cette personne ...
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C
<br /> <br /> La formule inscrite était "une vie aussi remplie" - mais je n'ai pas pu en lire plus, ni en photographier davantage.<br /> <br /> <br /> <br />
J
Bonjour Carole, vaste débat sur la mendicité en générale... Rom et autres indigènes vais-je dire ! Pas plus tard que samedi à Lille, j'en ai vu à chaque coin de rue... à la peau basanée, ou non,<br /> femme avec enfant, homme seul ou avec chien en plus... On donnerait la pièce toutes les dix minutes sur sa balade... Femme rom est très théâtrale en rue... j'en ai vu presque hystérique, ça fait<br /> fuir plutôt qu'autre chose... Dans les centres villes... les mendiants mon malaise ! Merci...
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C
<br /> <br /> Les mendiants sont "dans le paysage" aujourd'hui, mais est-ce bien "normal" (un mot de chez nous depuis les élections) ?<br /> <br /> <br /> <br />