Les fleurs du miel
Je l'ai saisie tout au bord de la Sèvre, à Rezé près de Nantes.
J'ai d'abord cru que c'était une angélique, étoile de la terre, fleur de doux confiseur et d'herboriste sage, et je l'ai admirée.
Puis je me suis demandé si ce n'était pas plutôt une grande ciguë, scorpion dressé dans l'herbe, âpre fleur de la mort, triste bourreau du sage - elle m'a fait un peu peur.
Si bien que je me suis arrêtée, hésitante. Comment savoir ?
Mais à l'abeille, qui fait butin de tout, active et bourdonnante comme l'avenir, il importait bien peu que la fleur soit un ange, ou qu'elle soit un démon. Indifférente, elle travaillait, et de tout faisait sa pelote, vendangeuse obstinée écrasant les poisons sous le poids des parfums.
Il faut aux ruchers de ce monde autant de ciguë que d'angélique pour faire couler le miel.