De l'amour...
Carquefou - Les amants
"Je fais tous les efforts possibles pour être sec. Je veux imposer silence à mon coeur qui croit avoir beaucoup à dire. Je tremble toujours d en'avoir écrit qu'un soupir, quand je crois avoir noté une vérité."
(Stendhal, De l'Amour, IX)
Depuis longtemps j'admire cette statue, qui orne, dans ma petite ville de banlieue, le jardin de la bibliothèque. Elle s'abîme et l'on a oublié le nom de son auteur. Il me semble qu'on la dédaigne. Pourtant, elle est de ces oeuvres profondes et rares qui, sobrement, justement, savent parler de l'amour - sujet universel, souvent si mal compris.
Car ces deux-là résument tous les paradoxes, tous les tourments, tous les espoirs, tous les combats, et tout le bonheur de l'amour.
Jetés dans le beau et le mauvais temps.
Seuls, ne sachant que se regarder, comme le soleil et la lune, et pourtant plantés dans le monde, comme le sont les arbres et les maisons.
Etroitement unis, ardemment confondus par le cercle dansant de leurs corps, cependant à jamais étrangers l'un à l'autre, figés dans cette distance infranchissable qui toujours séparera les êtres - toujours s'en étonnant, dans la stupeur de ne pouvoir dire nous sans dire encore je.
Semblables évidemment, et si évidemment distincts, dans l'unique bloc où on les a taillés. Tendrement enlacés, mais déjà prêts pour la lutte.
Et tout de même, et malgré tout... ensemble, de leur amour, cristallisé dans cette roche où à eux-mêmes ils sont nés, tirant la pure substance de la vie, et l'élan mystérieux qui allège, et approche du ciel les couples de la terre.
Oui, il me semble qu'il y a bien dans cette statue tout un beau traité De l'Amour.