ça tient à rien
Vu en passant tout à l'heure à la bibliothèque ce livre démodé - le Comte Kostia-, sculpturalement relu et philosophiquement replié par Stéphanie Gerbaud.
"Ça tient à rien", expliquait l'artiste, "les pages sculptées en forme de coeur sont uniquement maintenues dans cette position par les deux brindilles de bois. Si elles ne sont plus assez solides ou si l'une d'elle vacille, c'est l'ensemble de l'édifice amoureux qui sera détruit".
Je me suis penchée sur l'étagère. En effet, ça tenait à rien derrière la vitre, ce drôle de roman mis en pli. À rien ? mais à quoi exactement ? À deux bouts de bois, un vieux bouquin, deux trous vrillés dans l'épaisseur du papier et puis, surtout, au coeur battant pas essoufflé d'un petit paquet de pages vieillissantes.Et ça tenait bien finalement, en tout cas pas si mal, et depuis tout un an, ces petits riens accumulés. Ça tenait, c'est sûr, à pas grand chose : à la confiance, à la volonté, à l'habitude, à l'attente, au talent, au désir, aux bons soins de l'artiste.
Que ça tienne à rien, c'est vrai rien n'est plus vrai... ça tient à rien, un édifice amoureux, un roman de nos amours, ça tient à rien, à presque rien. Et pourtant, ça arrive, non, que ça tienne ? À rien. À presque rien. À pas grand chose à pas si peu.