A Barbizon
J'ai beaucoup aimé, à Barbizon, ces naïves mosaïques accrochées aux murs des maisons, qui reconstituent les tableaux les plus célèbres des peintres venus jadis dans ce village, riches de leurs seules idées échevelées et de leurs barbes de bison, inventer le chevaletde plein air et refonder la peinture toute entière.
Ces oeuvres si anciennes aujourd'hui, et bien souvent assombries par le temps et la quiétude compassée des musées, ainsi exposées dans la rue au soleil et aux pluies, dans leur cadre de vignes, de roses et de pierres moussues, paraissent vivre en voisines, du côté de chez Picassiette, au grand jardin des simples et de tous les humains.
Et puis ces petits cubes de faïence colorée, avec leur allure pointilliste, leur faux air de Signac et leur penchant vers Van Gogh, nous rappellent que c'est là, vraiment là, dans l'atelier de Millet, ou à l'auberge Ganne, que la peinture moderne est née, ardente, insoucieuse et nécessaire, comme un bel enfant grandissant vers l'avenir, du vieux monde des règles et des préjugés auquel le romantisme avait donné le premier coup de pied.
On marche, on flâne, à Barbizon, et on se dit en passant qu'il s'en est fallu de bien peu que tout cela n'existe pas - de quelques rocs de moins dans la forêt de Fontainebleau, de quelques étés sombres et pluvieux, d'un père Ganne un peu avare qui aurait réclamé qu'on le paie en bon argent, ou de quelques barbes moins indisciplinées. De bien peu. Comme tout ce qui importe vraiment.