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Epitaphe

Publié le par Carole

Epitaphe
Et ce matin...
devant l'arrêt du bus, lui ou un autre, son frère ou lui...
troussé retroussé détroussé par la mort...
lui ou son frère, un autre ou lui, en peau de lapin sur le bord de la route, et pour seule épitaphe un rayon de soleil attristé...
il m'a fallu le reconnaître comme on reconnaît à la morgue un proche assassiné.
 
Les hérissons traversent les routes, la nuit, à pas de hérissons, tandis que sur ces routes les humains se ruent au galop des moteurs.
C'est ainsi.
Il paraît que les hérissons ont tort d'aller au rythme de la terre, qui est celui du pas hésitant des bêtes, et de la nuit venant après la lumière.
Puisqu'ils en meurent.
Et que les humains ont raison d'aller au rythme de leur seul désir.
Puisqu'ils n'en meurent pas encore.

Publié dans Fables

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L'oeil du hérisson

Publié le par Carole

L'oeil du hérisson
Il fourrageait dans le jardin, chasseur audacieux du soir, terreur des escargots et des limaces, fatalité des cloportes et des hannetons.
J'ai ouvert doucement la porte. Je me suis approchée. Penchée sur lui j'étais l'humain et l'inconnu, j'étais la mort peut-être.
Il n'a pas eu le temps de se mettre en boule, il s'est juste effondré sur ses pattes comme un tas de brindilles. 
J'ai aperçu son oeil. Luisant, ouvert et fasciné, certain que je le guettais. Mais immobile et figé, tout à fait incapable de me regarder, moi qui étais pour lui le Danger.
 
L'oeil même de la Peur, ai-je pensé.
 
Prenant pitié de tant d'angoisse, honteuse un peu aussi d'avoir sottement joué à être le destin, je me suis fraternellement éloignée. Lui, se hissant sur ses pattes enfin délivrées, il a repris son chemin oublieux, humble Oedipe du jardin, vers cette nuit des hérissons qui ressemble tant à la nôtre.
 
L'oeil du hérisson

Publié dans Fables

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L'oiseau et le jet d'eau

Publié le par Carole

L'oiseau et le jet d'eau
L'oiseau - une petite poule d'eau - s'était posé sous le jet d'eau comme au centre du monde.
Que pouvait-il faire là ? C'était très surprenant, cet oiseau immobile et contemplatif, comme un nénuphar oublié, regardant l'eau monter et descendre dans sa poussière d'arc-en-ciel.
Et si, comme moi-même, il n'avait été occupé qu'à admirer ?
Est-il possible que les animaux aient le sens du beau ? 
Si... si eux aussi savaient admirer, contempler... ? Alors... ne serions-nous pas frères, jumeaux par nos regards ?
Du regard de la poule d'eau au regard d'un humain, s'il n'y avait que le cercle de l'eau, montant et descendant, unissant les semblables ? Si nous étions ensemble comme des gouttes d'eau emportées en miroirs dans le grand flot du monde ?
Nous avons tout misé, nous les humains, sur la ligne droite, sur la règle qui mesure, sur les mots qui cloisonnent, sur le progrès qui va et sur le temps qui passe, et sur les rives qui séparent. Vérités utiles, nettes et implacables. Mais si le monde, sous cette armure rigide, avait encore une autre forme, une autre vérité tranquille, où tout irait en cercle ?
Ainsi, devant l'oiseau méditatif étudiant le jet d'eau, je méditais, confuse et égarée, parmi les ronds brouillés de mes pensées ricochantes.
Mais enfin l'oiseau a repris sa route de banale poule d'eau, sa ronde de prisonnier sur l'étang, et mes pensées hésitantes sont retombées comme gouttes perdues, sous le jet d'eau indifférent à son écume.
 

Publié dans Fables

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