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Hanami 2015

Publié le par Carole

Hanami 2015
花見 Hanami :
fleur/regarder (traduction littérale)
fête des cerisiers en fleurs
 
 
soleil du soir et fleurs tombées
sur son ombre penché
 le canard disparaît
 
    J'ai écrit ce "haiku" sous un cerisier du Japon que le soir déflorait.
    Je le sais, pourtant, qu'on ne peut pas écrire de haikus en français.
    Il y faut cette langue de très peu de syllabes et de tant d'homonymes où les échos résonnent et où les mots se jouent.
    Cette langue d'idéogrammes où les sens se dessinent en "clés" entremêlées comme vagues sur l'eau.
    Cette langue synthétique où tout s'emboîte et s'empile, où l'on pourrait ranger des mondes en presque rien de mots.
    Cette langue si sage où il suffit de dire "hanami" pour évoquer, d'un souffle unique, tout à la fois les fleurs fragiles et le regard humain plus fragile que les fleurs. Avant de s'en réjouir en buvant du saké.
 
un cerisier pêcheur
et son filet de fleurs
il passe comme une ombre le canard de l'étang

Publié dans Japonisme

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Bleu

Publié le par Carole

    Quand je les ai vus la première fois, c'est sûr, j'ai d'abord été un peu surpris.
    Ils étaient venus à pied avec trois fois rien de bagages. 
    Ils ont posé leurs sacs devant la maison de la mère Amoureux. Juste là, sur la pierre cassée du seuil. La femme a remarqué le puits dans l'herbe haute. Ils se sont penchés, ont essayé la chaîne. De loin, je l'ai entendue grincer, mais ça a eu l'air de fonctionner, car ils ont remonté le seau. [...]
 
Suite du récit sur mon blog de récits et nouvelles cheminderonde.wordpress.com
 

Publié dans Récits et nouvelles

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Pâques

Publié le par Carole

Pâques
Tout à l'heure, je traversais la place Royale. Il faisait triste, il faisait foule, il faisait gris - avril revêche attendait son printemps en faisant les cent pas.
 
J'ai d'abord vu cet homme qui dessinait sur le trottoir, avec ce qui m'a bien semblé être du marc de voyant, une de ces fleurs immenses qui dans les dessins d'enfants sont comme des soleils montés en graines.
 
Un peu plus loin, il était là, celui qui écrivait, assis dans son recoin. Personne ne le remarquait, et lui ne remarquait personne, tandis qu'il posait lentement sur son cahier, l'un après l'autre, les mots qu'il choisissait. 
Une fanfare joyeuse tintamarrait quelque part son sacre du printemps. Il écrivait, il écrivait toujours, patient comme un poète.
Pâques
Et... comment l'expliquer ? Vraiment c'était si ténu : il y avait quelque chose, cet après-midi, sur cette place, dans ce samedi d'avril frisquet. Il se passait quelque chose. De très léger de presque imperceptible.
Oui, je crois bien que c'était lui, l'esprit de Pâques, qui se glissait parmi nous. Incognito. Bien là pourtant.
L'esprit de Pâques, léger comme un soleil d'enfant roulant parmi les fleurs.
L'esprit de Pâques... 
Lorsque tout est possible, et qu'on y croit vraiment, et que tout va pouvoir commencer, bientôt, dans le coup de trompette du printemps revenu.

Publié dans Nantes

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Poissons d'avril

Publié le par Carole

Poissons d'avril
Tout à l'heure, j'étais à la bibliothèque. L'une des employées avait un poisson de papier accroché dans le dos. Un petit poisson maladroit dessiné par un enfant.
Bien sûr, puisque nous étions le premier avril.
Je me suis souvenue brusquement de ces premiers avril de "vacances de Pâques", à Guéret, où nous décorions le dos de mon grand-père, rentré pour le déjeuner, de tout un banc frétillant de petits poissons colorés.
Chacun en accrochait en pouffant deux ou trois sur sa veste, tandis qu'il lisait son journal, mais mon grand-père ne paraissait s'apercevoir de rien, même quand les plus petits devaient s'y reprendre à plusieurs fois...
Puis, tandis que nous étouffions à grand-peine nos fous rires, il attrapait son manteau tout chargé de goujons, et il l'enfilait par-dessus sa veste enguirlandée, toujours sans rien remarquer. Avec la même impassibilité il descendait l'allée qui menait à son bureau, tandis que nous guettions à la fenêtre, hurlant de rire, l'envol léger des guirlandes de papier accrochées à ses basques. Lorsqu'enfin nous le voyions pousser la porte du "service", harnaché d'oriflammes ondoyants, notre joie n'avait plus de bornes.
Qu'il est distrait, pensions-nous, qu'il est facile à berner. 
Et nous n'étions pas loin de le croire un peu niais.
Comment aurions-nous pu nous en douter, qu'il était plus fier de sa ribambelle de joyeux alevins que d'autres de leurs décorations ?
Qu'il dirait au bureau, tout content, en décrochant sa pêche : "Tiens, ce sont les gosses qui se sont bien amusés, aujourd'hui".
Comment aurions-nous pu le comprendre, que ces poissons de papier étaient les fragiles hameçons du bonheur accrochés par nos rires d'enfants à sa vie vieillissante ?
Comment aurions-nous pu le deviner, qu'un jour il allait mourir, et qu'il ne resterait plus rien, pas même un rond dans l'eau brouillée, de nos petits poissons perdus dans la grande mare du temps.

Publié dans Enfance

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