Tranché
Aboli bibelot d'inanité sonore
C'était, derrière le rideau de fer d'une de ces boutiques d'antiquaire où s'accumulent les curiosités bizarres et les bibelots dérisoires, un chien presse-livres, double de sa moitié, moitié de son entier, qui embrassait le vide. Etonnant songe-creux de plâtre, beau toutou pompéien que partageait le rien, bizarre tout-en-deux qui n'était pas même un.
Semblable à ces héros de dessins animés qui courent au-dessus des abîmes sans remarquer que le sol a quitté leurs pas, il continuait, fantastique et tranché, à frétiller de la queue, à cligner de l'oreille et à monter la garde - à faire semblant de rien, à ne pas remarquer - il continuait, tranche d'inanité, tronche d'humanité. Continuait...
C'est si souvent ainsi. Les choses, les gens, les mondes, déjà brisés, rompus en blessures et platras, qui pourtant continuent, moulages de leurs cadavres, comme si de rien n'était, comme si jamais ils n'avaient réellement été, à croire qu'ils sont encore, dans leur coquille d'inconscience, ce qu'ils croyaient qu'ils furent.
Et je n'ai jamais su s'il fallait les admirer, les plaindre, les avertir, les fuir - ou simplement, de temps à autre, se retourner sur soi-même, revenir sur ses pas, et se tâter les côtes, pour vérifier qu'on marche encore... entier !