Faux
Depuis quelque temps on le voit partout dans la ville.
En noir en couleur et en gris. En majuscules en minuscules, en lisible et en illisible. Sur les poubelles les murs sales et les palissades. A la va-vite en barbouillis, parfois en calligraphe. Il s'affiche partout, partout il se décline - comme une identité.
Faux.
C'est un faux tout à fait, un surnom de graffeur, un alias, un pseudo.
Mais il me plaît, ce mot, en ces temps où la communication est devenue une science raffinée, où on mobilise tant d'efforts et d'argent et de réflexion stratégique pour gagner la grande guerre de l'opinion, et nous convaincre de croire à tant de mensonges - publicités, fake news, propagande et propaganda.
Faux, dit-il. Penchez-vous sur les ombres, touchez du doigt les failles.
Faux. Vérifiez les couleurs, ne croyez pas au bleu, ne croyez pas au rouge, mais remarquez les taches.
Faux. Voyez comme ça penche, voyez comme ça tremble, voyez comme ça cloche, voyez comme c'est toc.
Faux c'est faux : prenez garde au défaut. Faux c'est faux : qu'on ne vous prenne plus par défaut. Faut savoir dire non pour pouvoir dire oui.
Car il n'y a que le non qui puisse vous creuser, lentement, âprement, au flanc de ces parois du faux qu'il réduit en morceaux, un lacet de chemin vers le
Vrai.