Usu, vetera, nova
C'est, à Blois, une maison qui philosophe, comme philosophaient les maisons riches et les cathédrales, au temps où les murs étaient des livres de pierre et de bois, pour l'instruction des passants.
C'est une maison vieille, dont l'enseigne regrattée nous parle justement de la façon dont le vieux se fait neuf, dont le neuf se fait vieux, dont toutes choses s'usent et dont toutes choses renaissent, puis s'effacent pour renaître et s'user de nouveau, et de nouveau renaître.
USU, dit-elle, USU, VETERA' NOVA
Ce qui peut se comprendre ainsi :
"par l'usage la vieille maison est devenue neuve"
ou
"si l'on s'en sert les vieilles choses se font neuves"
mais, aussi bien, pourrait s'inverser en :
"par l'usage la maison neuve est devenue vieille"
à moins que ce ne soit
"si l'on s'en sert les choses neuves se font vieilles"
ou même se déchiffrer :
"à force de servir, le nouveau devient vieux"
ou encore, pourquoi pas - mais est-ce vraiment si différent ? - :
"à l'expérience, le vieux peut se révéler neuf"
Comment savoir au juste ? C'est tout le charme du latin, de nous laisser à deviner, et de nous inviter à débrouiller sans fin l'écheveau laconique des mots qu'il mêle et resserre en énigmes.
Mais qu'importe le sens, si la question nous conduit ?
Sur le fronton malicieux de la vieille maison redevenue neuve qui déjà se recouvre de mousse,
VETERA et NOVA se font face comme les deux plateaux de la balance dont USU est le poids.
Entre hier et demain, entre avenir et décrépitude, entre mémoire et oubli, entre pierre qui mousse et paroles qui roulent,
nous ne valons que notre poids léger de présent.