Un petit air de fête
Ce soir, c'est jeudi, et je rentre un peu tard. A mesure que nous traversons les quartiers, la rame se remplit de femmes en costumes africains somptueux, des femmes de tous les âges, qui bavardent, et paradent, se saluent et s'embrassent, et bavardent, et paradent, toutes fières et joyeuses.
Des femmes, rien que des femmes, sans cabas, sans enfants.
Toutes seules. Et ensemble.
Je descends avant elles, c'est dommage. Je serais bien restée. Je serais bien allée - mais où donc ? - avec elles... Peut-être que mes habits noirs et gris se seraient retrempés de couleurs, au contact des leurs ? Peut-être que mes rides se seraient évanouies en fous rires, dans le frou-frou des boubous ? Peut-être que j'aurais réappris à danser, à papoter, à m'amuser ?
Mais j'ai un bus à prendre.
De la rame suivante, je vois descendre deux autres femmes en costumes richement colorés. C'est nouveau, sans doute, pour ces deux là, ce voyage, elles sont un peu tendues, elles n'étaient pas dans la bonne rame, et elles se sont trompées d'arrêt. Elles voudraient remonter - non, c'est trop tard. Tant pis, elles attendront le tram d'après. Mais pourquoi donc est-il si long à venir ? Elles regardent leur montre, elles ont peur d'arriver en retard, on dirait, les nouvelles, elles ne bavardent pas comme les autres.
La joie de se retrouver, l'anxiété de la première fois. Il y a vraiment ce soir sur la ligne 1 du tram un petit air de fête.
La fête des femmes en boubous chics qui sortent tard le soir. Un soir.
Dans les quartiers.
Rien qu'entre femmes.
Ensemble. Toutes seules.