Quand le verre est entier

Publié le par Carole

abribus - Nantes

abribus - Nantes

Il s'exprime bien, c'est vrai, on dirait même qu'il se croit vraiment poète, celui qui nous a laissé, sur la paroi brisée de l'abribus, ce message aussi rouge et vinasse que les révolutions qui fermentent dans les bars - et aussi tristement étoilé, dans sa toile d'araignée securit, que la nuit du casseur.
 
Quand le verre
est entier
c'est nous qui
nous sentons
brisés
(poésie)
 
Poésie, vraiment, cette vitre lapidée ?
Poète, celui qui ne se sent entier que lorsqu'il casse ?
Créateur, celui qui ne se dresse que sur ce qu'il écrase ?
 
Demain, après-demain, on aura réparé l'abribus, évidemment ; on pourra oublier. Mais là, devant la vitre bavarbouillée où ce méchant rimeur nous a jeté la première pierre, il faut bien essayer de répondre. 
 
Se sentir exister lorsqu'on brise, se croire grandi de ce qu'on a détruit, c'est ce qui caractérise les pillards et les tueurs. Mais la poésie... personne ne sait bien ce que c'est, la poésie, mais, non, ça ne s'écrit pas à coups de poing sur les vitres des abri-bus.
 
Non, ça n'a pas le tranchant des éclats sanglants, la poésie, tout au contraire... la poésie...
ça ressemble plutôt à ces boules de sable et de débris que les verriers pétrissent dans le feu en pâte lisse et harmonieuse, pour en faire des objets étranges ou familiers, 
tirant de la poussière du monde, par la magie du rythme qu'ils lui impriment patiemment, le verre liquide et pur qui se façonne au souffle créateur
pour retrouver
dans la lumière 
sa forme entière
éternelle
passagère.
 
 
 

Publié dans Fables, Nantes

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M
De la poésie, celle qui touche au coeur et qu'on s'efforce d'écrire quel qu'en soit le support, parce c'est le moment ou l'instant qui dicte les mots! Comme il est bon de se sentir poète, comme il est nul de briser cet élan!
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S
Cette poésie de La Palice qui éclabousse la vitrine tranquille d'un abribus serait un geste de violence et non d'écriture? Le vers est-il brisé? Dangereux pour les prochains passagers? ou peut-on avec un gros chiffon alcoolisé effacés ses mots imprégnés de vin ou de sang. Il est vrai que j'habite au bord d'un chemin. J'ai plaisir à revenir te lire. A bientôt.
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C
La vitre était bien cassée. Remplacée depuis. Une "incivilité" déguisée en poème...
Q
J'aime ta réponse et la poésie que tu défends, qui n'est pas celle de la violence et des briseurs.<br /> Merci pour cette page, Carole.<br /> Bises et douce journée.
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R
Qui dit que le poète est le briseur ?
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C
Le "nous", qui, au minimum, l'associe aux casseurs. <br /> Mais quoi qu'il en soit, je ne considère pas comme poètes ceux qui se sentent "entiers" lorsqu'ils brisent (ou lorsqu'on a brisé quelque chose). Ce "motto" ne peut appartenir qu'aux délinquants et aux criminels. Qu'ils manient bien le verbe n'y change rien. Toutes proportions gardées, ce petit incident nantais me rappelle l'affaire Bertrand Cantat, autrement plus grave, bien sûr. Mais le même problème se pose, au fond : on excuse facilement celui qui "a les mots"...
G
De la poésie transparente, mais reelle
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N
Sur le verre brisé<br /> Abribus désespoir<br /> La poésie tagguée<br /> vient se faire voir.
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C
Son verre s'est-il «brisé comme un éclat de rire» ?
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L
Cocteau définit ainsi la poésie : « l’espace d’un éclair nous voyons un chien, un fiacre, une maison pour la première fois. Voilà le rôle de la poésie. Elle dévoile dans toute la force du terme. Elle montre nues, sous une lumière qui secoue la torpeur les choses surprenantes qui nous environnent et que nos sens enregistraient machinalement. Mettez un lieu commun en place. Nettoyez le, frottez le, éclairez le de telle sorte qu’il frappe avec sa jeunesse et avec la même fraîcheur, le même jet qu’il avait à sa source. Vous ferez œuvre de poète. »<br /> Tu as raison, le poète ne fait pas œuvre de destruction, mais souvent, à partir même de la boue il fait de l'or...<br /> Pour le coup, on en est loin.
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A
La poésie c'est tout, tout ce que nous créons, tout ce qui sort de nous instinctivement ; si celui qui a écrit cela a écrit "poésie", c'est pour revendiquer sa liberté d'expression et le non-sens que cela peut évoquer à d'autres. Et ce qu'il a écrit est absolument vrai, dans le cas de l'abribus : car ce verre nous COUPE littéralement de tout ce qui est ambiant. Reclus dans cet espace on se sent diminué.
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C
Moi, j'aime bien qu'il ne pleuve pas sur moi quand j'attends le bus. L'abri est ouvert par devant, de toute façon.
C
Et en effet, ça ne m'a pas plu.
A
Cela dit, j'avoue que je respecterais le mobilier urbain, à sa place et qu'en tant qu'usager des services publics je n'aimerais pas trouver ces pans de vitres tagués ni cassés... !
E
La paroi de l'abribus est brisée ? Peut-être ce poète urbain l'a-t-il trouvée en l'état ?<br /> Evidemment, ta page me fait penser à une autre poésie : http://www.emmacollages.com/article-on-reste-dieu-merci-a-d-un-abribus-100095423.html<br /> Beau dimanche, Carole, à toi, à tous.<br /> eMmA
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F
BAH, je pense qu'il avait du boire quelques verres pleins et qu'ensuite, il a eu un délire de poésie en attendant son bus!!!!Bah, il n'a rien cassé, la vitre sera nettoyée!! Bisous Fan
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L
On peut toujours nommer "oeuvre d'art" quelque chose qui nous touche, mais y a-t'il des limites, et qui va les établir ... ?
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A
Maladroit et un peu niais sans aucun doute mais au moins il a essayé...qui n'a jamais eu envie un jour de tout casser pour refaire le monde, plus beau, plus grand, plus juste...
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C
Refaire un monde meilleur en cassant les abribus et en pourrissant un peu plus la vie des "usagés" des transports en commun ? Hum...
J
Tout est bon pour le tagueur des villes comme toile à son "art"... il y a pire comme inscription, certes, mais ça reste punissable, un coût que d'ôter ces mots aussi... on lui conseille un blog pour se faire ;-)
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