Minute de silence

Publié le par Carole

Minute de silence
Quand j'étais enfant, chaque journée était un lent voyage, chaque jeudi était tout un pays, chaque dimanche était un continent, et les vacances étaient la voie lactée entière, traversée seconde après seconde, qui n'en finissait pas de s'étirer dans l'univers illimité. Quand j'étais enfant, chaque minute débordait d'instants tout frémissants dont chacun importait, dont chacun se vivait comme une éternité. Alors, ces minutes de silence auxquelles s'adonnaient quelquefois des adultes à l'air grave, elles me semblaient vraiment longues, incroyablement longues. Et cela me paraissait très étrange, tout à fait incompréhensible, que ces adultes si pressés d'habitude, s'arrêtent ainsi, pour soixante longues secondes immobiles, de vaquer à toutes ces occupations qui leur semblaient si importantes.
 
Maintenant que, devenue adulte, je suis passée de ce côté du temps où les journées coulent à flots vides et pressés sans qu'on arrive à en saisir une seule heure, je leur trouve un vrai sens, une nécessité profonde, à ces minutes de silence qui quelquefois suspendent le cours fébrile de nos occupations stériles. Elles nous rendent ce temps long que nous ne savons plus avoir, qui est le temps des enfants, des morts et des endeuillés. Le temps qui nous fait humains. Le seul temps qui en vaille l'instant. 
 
En tout cas, j'ai voulu les compter ici aujourd'hui, ces soixante secondes de ma minute de silence, comme soixante pulsations de sang, comme soixante cris d'enfant, comme soixante larmes de sable arrêtant le cours désordonné de ma journée.
Soixante grains de silence, soixante pétales de douleur, soixante ombres innocentes, soixante mots humains pour dire en toutes langues "humanité",
pour ceux qui sont tombés, à Barcelone et à Cambrils, à Turku et à Nice, au Caire, à Londres et à Paris, et ici, et maintenant, et avant, et pour rien, et sans fin, et ailleurs, et partout.
 
18 août 2017
 
 

Publié dans Divers

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C
Et tout le reste est silence... Merci pour eux, Carole.
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J
Très beau Carole. Merci pour elles, pour eux, pour nous.
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Q
Juste merci.
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A
Parfois je me dis qu'il faudrait s'accorder du silence, tous ensemble, pas une minute mais plusieurs heures...une journée entière. Silence dû au respect et au deuil naturellement, mais aussi silence pour la réflexion, pour se poser un peu, souffler, regarder autour de soi, tout remettre à plat...
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N
Lire ceci, en silence habité.
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E
Ta page m'est allée au coeur, dans cet ineffable coeur du coeur qui sait encore faire silence...<br /> Merci.
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L
Merci pour ces mots splendides qui nous ramènent à notre humanité, en toute humilité. Tu as raison, ces symboles sont forts qui nous rassemblent et nous font exister ensemble, au-delà de notre impuissance.
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A
Une belle réflexion sur le silence. De quoi est-il porteur ? Que nous enseigne-t-il ? ... On touche là à l'essentiel.<br /> Mais dans le cas que tu évoques pour finir, on l'associe trop à une prière intérieure ; ce qui indique qu'il est le contraire du silence : fixation mentale volontaire sur un point... Donc bavardage de l'ego et obscurcissement total de ce qui est.
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J
Quand la vie s'en va, d'une façon ou d'une autre, naturelle ou accidentelle ou attentat ou guerre, c'est place au recueillement voire à la minute de silence que je prends à tes côtés.... merci, jill
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