L'homme au lion
Sur les plages où l'on se met à nu, si souvent on croise des rêveurs.
Il rêvait celui-là, indifférent à ceux qui le regardaient, en modelant son lion de sable.
Il rêvait d'un monde où il aurait été sculpteur, où il aurait été le dieu des formes inconnues qui grandissent sous les mains.
Il rêvait d'un monde où les humains auraient dormi auprès des bêtes.
Il rêvait d'un monde où le sable aurait été doux et vivant comme la peau des fauves.
Il rêvait d'un monde où les lions se seraient couchés sur le sable comme les enfants des hommes.
Il rêvait d'un monde où le vent aurait peigné le sel sur l'encolure des vagues pour y planter des forêts galopantes pleines de bêtes blondes.
Il rêvait d'un monde où la mer n'aurait emporté les châteaux des enfants que pour en faire des îles recouvertes d'oiseaux.
Lissant le sable du bout de ses doigts de rêveur il n'avait pas donné à son lion de griffes ni de dents. Mais il lui avait fait des cheveux de femme et des yeux de sirène endormie.
Pour tous ceux qui ne savent plus rêver,
en écoutant le vent qui effacerait tout,
en attendant la vague qui viendrait renverser
les murailles tremblantes des châteaux en enfance,
il rêvait.