Monsieur Menuet et mademoiselle Chanson
Fleurie, engazonnée comme un petit jardin, la boîte aux lettres avait l'air de me faire cygne... je veux dire, de me faire signe. Qui donc s'était logé là, sous ce toit de fleurs bleues, dans cette charmante boîte à billets doux ?
"Monsieur Menuet et mademoiselle Chanson".
Monsieur Menuet et mademoiselle Chanson... comme c'est joli... ! C'est merveilleux qu'ils habitent quelque part en ce monde, ensemble, ces deux-là, et que justement il me soit donné aujourd'hui de passer devant leur demeure enchantée.
Monsieur Menuet et mademoiselle Chanson ? vraiment ? Je reviens sur mes pas. Et là, je lis, résignée, ce qu'il faut et toujours fallut lire : "Mr Menut / Melle Chanson".
Monsieur Menuet, c'était mon regard qui l'avait inventé.
Cela m'arrive si souvent, de lire un mot pour un autre, et d'y croire un instant, avant de revenir à ce qu'on s'obstine à appeler la réalité. Pas plus tard qu'hier, par exemple, sur un vieux mur, j'ai aperçu une affiche noire et déchirée qui annonçait : "Explosion de photos"... J'y ai cru, comme toujours, avant de comprendre, déçue, qu'il s'agissait d'une banale exposition de photos, qui plus est déjà révolue.
Le monde où nous vivons est un monde plein de mots. Un monde d'informations et d'injonctions. Alors notre esprit insoumis, parfois, choisit la distraction. Il bouscule les lettres, fait son petit surréaliste. Il veut lire de traverse et poser sa chanson, en menuet tressautant, sur les débris de l'évidence. Bien sûr, ça ne dure qu'un instant. Juste le temps de se dire qu'il y aurait là, peut-être, un bout de chemin marabout de ficelle qui aurait pu nous mener, par ses détours et ses lacets, jusqu'au pays de poésie qui est en chaque vie.
Et puis sottement on vérifie, bêtement on se reprend.
"Monsieur Menuet et mademoiselle Chanson", c'était tellement idiot, maintenant qu'on y repense...
"Monsieur Menuet et mademoiselle Chanson", c'était tellement idiot, maintenant qu'on y repense...