L'amour bleu
A la sortie du cinéma, sur le mur qui sentait l'urine, quelqu'un avait écrit :
En ronde bleue, les lettres s'élançaient à l'assaut du ciment. Trempé dans l'encre de là-haut, l'amour s'écrivait sur les ombres et courait bleu de ciel, comme un lierre en été sur son pan de mur gris.
Un peu plus loin, il y avait encore ce message, encore ces grandes lettres nouées et enlacées à déliés et à pleins, comme on s'embrasserait, emportées vers leur ciel :
Dans toute la rue, sur les compteurs à gaz, sur les bornes ennuyées et les murs délaissés, sur tout le laid qui écrasait la joie, cela grimpait, battait et bleuissait, comme le sang vivant remontant vers le coeur :
bleu
l'amour bleu
l'amour bleu l'amour bleu
amour
Je me demande toujours qui nous écrit ces messages.
Qui donc nous aime assez, nous, les indifférents, les passants de la ville,
pour nous l'écrire obstinément
en ronde en bleu
en gras
en grave
en hâte
en douce
en bleu
en rond
en pleins
et en déliés
encore encore encore encore.