Café des Ami
Au café des Amis, chaque soir après le travail, ils tapaient la belote en repeignant le monde en rouge, en vert, en beau.
Puis la retraite est venue. Eux, ils ont continué à venir au café des Amis, à taper la belote tous les après-midis, à repeindre le monde, en rose et en vert pâle, en pas si mal.
Puis quand la mort s'est invitée, ils sont encore venus, après les enterrements, ceux qui restaient, pour taper la belote, et repeindre le sombre en gris, en pas si noir.
Jusqu'à ce qu'à la fin il reste seul, le dernier des Amis.
Alors le Temps lui-même, le Temps qui jamais ne se trompe et connaît ses accords, de son pinceau tranquille, lui a repeint l'enseigne, au singulier, rien que pour lui. Avant que le patron lui aussi ne disparaisse, et que le café des Ami, vendu et revendu, ne reste là, fané et déserté, à attendre, tout seul, on ne sait quoi, on ne sait qui ne viendra plus, comme un vieil homme sur le trottoir.