Eternel retour
Mon poissonnier vendait hier ce poisson frais du jour et philosophique, si semblable au poisson millénaire et philosophique du Muséum de Nantes que j'en suis restée toute saisie.
C'était beau, c'était laid, c'était cruel et pitoyable.
Il y avait là toute la vie. Perpétuellement affamée.
Toute la mort. N'attaquant bien que par surprise.
Tous les cycles et tous les cercles. Du tel est pris qui croyait prendre à la roue de fortune.
Toutes les injustices et tous les règnes. Et toutes les justices et tous les équilibres. Puisque seul l'être humain, ce dernier venu de la vie, l'avait emporté à la fin, grâce à son traître chalutier, sur les hiérarchies éternelles et obscures du si vieil océan. Puisque seul l'être humain, ce tard venu de la pensée, pouvait y lire son destin, qui sera à coup sûr d'être pris à son tour au grand filet de ses erreurs et de sa démesure de prédateur suprême.
Il y avait là de quoi crier d'admiration. De quoi s'en aller vomir de dégoût. De quoi penser. De quoi sourire. De quoi pleurer. De quoi manger.
Le monde entier, en fait.
Sur l'étal de mon poissonnier.