Châteaux de sable

Publié le par Carole

Châteaux de sable
Enfant, j'ai aimé les châteaux de sable. Passionnément - je veux dire : avec ce mélange d'instinct de possession et d'angoisse qui fait les grandes passions.
Acharnée, je creusais, je bâtissais, je fortifiais. Tandis que la mer, lente et vorace, avançait comme l'heure, de toutes ses dents d'écume, vers les créneaux et les tourelles, je luttais pour sauver mon château.
Rien n'est plus difficile, sans doute, pour un enfant, que cette découverte du temps, de la fatalité, et, en somme, de la mort.
Jusqu'au dernier instant je travaillais et je résistais, me hâtant de consolider les murailles, étayant les remparts et écopant les douves.
Pourtant, lorsque la vague, enfin, léchait les dernières tours en ruine et les chemins de ronde où s'enfonçaient les mouettes, je ne pouvais jamais l'empêcher, ce sentiment bizarre de bonheur, soudain, à voir le château se fondre comme pincée de sel.
Cette autre découverte : qu'on ne bâtit que sur le sable, des oeuvres que le temps roulera comme grains d'illusion, et que c'est pour cela, précisément pour cela, qu'il nous faut les bâtir. Une pincée de sel sur le néant qui vient. Ce n'est vraiment pas rien.

Publié dans Enfance

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P
Enfant je regardais le sable couler entre mes mains sans pouvoir le retenir<br /> maintenant je regarde l'infini de la plage*<br /> berçant la mer à la rencontre du ciel<br /> <br /> * plage ses Landes
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F
si tout le monde met une pincée de sel cela pourra faire qq chose d'important
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Q
J'ai beaucoup aimé ce récit et tes réflexions.<br /> Continuons à bâtir... même si la vague doit tout emporter. ;)<br /> Passe une douce journée. Bises.
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D
Intéressant. Cet sensation qu'à l'enfant de ne plus pouvoir "protéger" son oeuvre, est-ce qui le pousse très souvent à la démolir à coup de pieds?
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C
Je crois que oui.
A
Oui, le plus étonnant, c'est ce bonheur que l'on éprouve, enfant, à constater la destruction systématique de notre oeuvre. Voir comme les formes retournent si aisément à l'initial informel...
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C
Comme j'aime ta vision des choses ! :-)
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G
Un peu comme les châteaux en Espagne.
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M
Quelle bien sûr !
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M
Bâtir sur du sable avec le plaisir de toujours se renouveler, qu'elle ivresse!
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N
Cette méditation fait le lien avec "Comment vivre lorsqu'on ne croit en rien", d'Alexandre Lacroix, que je suis en train de lire. Il me semble que tu rejoins là l'"épokhè" de Sextus Empiricus et le courant du scepticisme. Jespère ne pas faire de contresens.
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C
Pas de contresens, je penche bien du côté du scepticisme. Mais sans dogmatisme (ce serait le comble).
A
C’est bien ce que nous faisons tous, depuis des millénaires, chacun à notre manière : laisser une pierre, un grain de sable avant que le néant ne l’emporte. <br /> Le temps oubliera notre passage, le grain de sable restera peut-être…
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Z
l'image est raccord avec mes états d'âmes..
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L
Les château de sable, tout le monde en bâtit ! et lorsque la vague arrive, il faut faire le gros dos!<br /> J'ai appris cela à mes enfants, surtout mon fils il était désespéré quand son château était détruit.<br /> Dans la vie aussi!<br /> Belle et douce journée à toi
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M
La vie elle même n'est qu'illusion... comme le château de sable tout s’effritera.
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M
Ephémère et illusoire, un château de sable illustre parfaitement ce qu'est la vie. Et dire que nous le percevons dès l'enfance !
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T
Une belle réflexion philosophique ...
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J
De sable ou de pierre la vague et le temps font leur oeuvre, enfant qui n'a connu ces châteaux bâtis au bord de l'eau de mer... merci, jill
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