Les piques

Publié le par Carole

Les piques
Les piques. Tous ceux qui ont abattu leur dernière carte les connaissent. Si souvent elles leur ont fait perdre la tête - et l'espoir du sommeil.
Les piques, ce sont ces vis ou ces pointes de métal dont on orne depuis quelques années - depuis qu'"ils" sont devenus si nombreux, évidemment - les bordures de pierre, les courettes d'immeubles, tous les recoins un peu plats, un peu larges, où pourrait reposer le corps fatigué d'un clochard. Même les bancs publics, mesquinement distribués dans nos villes debout, sont si savamment pensés, aujourd'hui, pour empêcher les corps de glisser et de s'ensommeiller, les obligeant à se tenir droits et raides, qu'on ne pourrait, par exemple, y coucher un blessé, ou y allonger un malade.
Efficientes et modernes, vigiles inoxydables, les piques - dont on use aussi, d'ailleurs, pour faire fuir les pigeons - sont étrangement franches. Elles parlent peu, c'est vrai, mais elles parlent net et pointu. Ecoutez donc plutôt :
"Tiens-toi debout, toi qui t'effondres, n'attends pas de soutien."
"Pourquoi venir sur moi reposer ta détresse ? Il y a pour cela des coins sombres et discrets."
"Va t'en plus loin cuver ta mort. Ici où l'on te voit, ici n'est pas pour toi."
 
Oh, non, non, ce n'est pas seulement aux sans-logis qu'elles s'adressent. N'allez pas croire... non... C'est bien à vous. A vous aussi. 
A vous tous.
A nous tous.
Tous.
 
 

 

 

Publié dans Divers

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Q
Hélas... Notre monde n'a plus de pitié.<br /> J'ignore s'il y en a chez moi, il faudra que je regarde mieux dans les lieux plus abrités que ceux que je fréquente habituellement.<br /> J'ai vu des bancs disparaître... sans doute pour la même raison.<br /> Merci pour ton regard et tes mots.
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Z
oui..<br /> nous sommes concernés, un jour ou l'autre, par ces piques ou d'autres
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M
Notre destin n'est pas toujours enviable et des piques se dressent sur nos chemins, heureusement pour avancer nous trouvons toujours de quoi les contourner!
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C
Ps : pardon, je précise que j'ai un toit sur la tête par contre, moi.
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C
Bonjour, <br /> <br /> Je vous découvre ! Comme vous dites : les dernières cartes. Quand on est sur ces dernières, alors qu'on a déployé le courage que l'on ne possédait pas avant, vient un moment où l'on voit ces regards si particuliers qui ont été contraints de se poser sur vous, mais qui sortent déjà des creux de votre visage. Il y a une gêne à voir le chagrin même celui qui essaie d'avoir la pudeur de se dissimuler (les larmes, c'est bon sur commande à la télé-réalité, en gros plan et puis là, on peut zapper. Bah que c'est triste ce que je décris et j'aimerais tellement l'inventer, être de mauvaise foi...). <br /> Ca fait drôle. Moi qui n'ai jamais pensé qu'il fallait être économiquement "utile" pour être bel et bien vivant, Je suis à cette place là, parce qu'un jour j'ai osé d'être dans un ras le bol perpétuellement répété et ne plus pouvoir l'assumer, dans un rôle qui ne m'avait jamais convenu. Le courage est venu trop tard. Les oeillères, il fallait décoller avant. Je ne sais pas quand, mais avant. J'ai toujours eu comme je me le notais (car je n'écris plus mais je note !) la lâcheté de la feuille de salaire qui me rassurait - au lieu de muter et d'éviter un jour l'implosion, la vraie. <br /> Les mois, les chocs de toutes autres sortes, les coups ont porté. Mon visage a changé à force de se crisper pour ne pas craquer. On disait que je souriais si fort, si large, si clair. <br /> Ils me regardent et sont tous étrangers, ils me regardent comme s'ils hésitaient à croire que j'existe, où me mettre. C'est un état que je n'ai jamais connu : nos irrécupérables différences sont encore plus criantes, mais je n'ai pas honte. Je me demande juste ce que je fiche encore là. <br /> Je trouve déplacé d'une société qu'elle ne contienne que des réalités glacés sur des paroles si soyeuses, On ne demande rien, surtout pas de nous mentir sans nous trouver de cases si l'on n'a pas d'évidence. Le réaliser est encore plus brutal. <br /> Avoir toujours quelques chose qui dépasse. Depuis le début, c'est ainsi et ça semble entendu, évident. . <br /> J'ai l'impression de regagner le pays de l'absurdité, mais d'y avoir sauté encore plus loin. <br /> Je ne l'ai pas choisi. La distance est si longue. Je n'ai plus de bouclier autre que mon indifférence, leur mise en relativité. Mais je ne suis pas trop douée pour ça. Surtout l'indifférence, elle ne tient pas longtemps la route et souffre de points de côté ! <br /> Je n'étais appréciée que du temps de mes sourires, ou cachée sous mon humour. J'ai toujours trouvé normal d'entendre rires et lamentations, de les écouter. C'est même enrichissant. Je ne regrette rien moi non plus. Sauf certains de mes mots. <br /> Je déteste l'amertume, c'est un mot que l'on entend sans arrêt (à la radio, tous les médias...). Je crois qu'on la confond avec un profond chagrin. Et comme vous dites aussi, il y a des portes partout. Certains matins, on peut se dire qu'il y en a forcément une qui laissera passer le son. Je regrette de vivre dans ce froid glacial.<br /> <br /> En revanche, je voulais vous dire : j'adore votre style. <br /> Votre réflexion est toujours structurée, précise, la poésie est là, ainsi que l'analyse au plus juste. J'ai moi aussi été très émue comme beaucoup, j'en suis certaine, par le chemin du doute et la main de la jeune dame qui tenait elle de la petite. Très frappée également par la concision efficace des mots qui parlent de cette mort rattrapée par la mort avec ces images saisissantes de poissons !<br /> <br /> Je vous souhaite une très belle continuation. <br /> Bonne soirée. <br /> Coco
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C
Merci Coco, votre message m'émeut beaucoup. Mais je ne sais plus répondre à ce qui me peine, me touche ou m'appelle, que par des textes, des photos, et des textes, toujours des textes. <br /> Il y a deux ans, j'ai rédigé cette nouvelle, qui peut-être fera écho à certaines de vos réflexions https://cheminderonde.wordpress.com/2013/08/06/la-fille-de-la-cabine-telephonique/
F
Oulla, je n'avais jamais vu cela, et à Nîmes, je n'en vois pas, les SDF s'installent partout et même en évidence!! Bisous Fan
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C
Bonsoir Carole, <br /> Ce qui me gêne un peu, c'est d'avoir pris autant de place sur la page, mais je devrais pourtant me méfier de moi ! J'ai lu la "fille de la cabine téléphonique" et la connivence des 2 héroïnes délaissées, puis blotties, à l'avenir incertain, mais pour quelques heures réchauffées, + apaisées. Déjà, il y a enfin un échange. Il y a une aberration d'en être là, mais on sent une force en elles, différente mais bien présente. Quoique celle de la plus jeune tienne peut-être dans son état second ? En effet, cela fait écho, même si chaque situation diffère. Ce sont de beaux personnages que ceux que vous avez créés. Merci, Carole. J'ai aimé cette lecture aussi.
D
Terrible! C'est tellement vrai. La "bonne société" celle qui ne veut pas voir préfère agir de loin, plutôt que d'aller parler à ces gens. On les traite comme des animaux nuisibles. Comme les pigeons..
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C
Des piques, des murs, des barbelés, quel est ce monde cadenassé que nous laisserons à nos petits-enfants ?
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R
Jamais entendu parler ! Ni jamais vu en Belgique ...
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G
je ne connaissais cette pratique
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H
Comme les murs d'antan hérissés de verres brisés. On se protège....Mauvaise ambiance !
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F
c'est qu'il y en a beaucoup beaucoup des piques et déjà le fait de se moquer de qq
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M
Il ne fait plus bon s'eterniser ici ou ailleurs, il n'y a plus de sourire complice ou non! <br /> L'indifference est devenue l'attitude bon chic...en un mot il n'y a plus cet Amour du prochain que le bon sens nous apprenait sur les bancs de l'ecole.....c'est la peur de l'autre qui a fait ce changement
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D
Sur la photo, je n'ai vu que cette silhouette et je ne comprenais ce titre.<br /> Moi non plus je savais pas que ça existait. C'est horrible. Je savais pour les siège dans le métro, mais là c'est pire encore. Tu l'as dit, comme pour les pigeons.
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C
Je suis presque surprise d'apprendre qu'il n'y en a pas partout. Tant mieux ! J'ai tellement pris l'habitude d'en voir dans ma grande ville...
A
Et s'il n'y avait que les piques ! il y a aussi toutes ces bites sur le bords des trottoirs. Combien d'accidents provoqués ? Tout ça parce que les automobilistes prennent les trottoirs comme leur garage.<br /> Mais il y a tout une industrie de ces bites urbaines. Les normes n'arrêtent pas de changer. Les maires prennent des risques. Mais le sujet des normes n'a fait l'actualité que quelques heures, le temps de l'annonce d'un rapport. Un de plus.
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C
Oui, une de mes amies a eu un grave accident à cause d'un de ces "dispositifs".
A
Jamais vu ça.
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C
Tant mieux. ça doit être un privilège des grandes villes. Il y en a partout (ou presque).
J
Pique et pique école et drame<br /> Que sommes-nous devenus? Que sommes nous en train de transmettre à nos enfants?
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A
J'espère qu'il n'y en aura jamais chez moi. Par contre, nos clochards disparaissent mystérieusement du centre-ville pendant la saison touristique. On nous les rend en fin de saison, équipés de frais et munis de bagages neufs pour couper court à d'éventuelles - et légitimes - indignations de leur part ou de la population...<br /> Entre temps, d'autres sont arrivés, expédiés comme n'importe quelle marchandise par bateau par des communes du continent heureuses de s'en débarrasser pour l'été. <br /> Tous concernés, oui, soyons-en conscients.
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C
Voici un mystère en effet, et qui nous concerne tous aussi.
P
Ca me rend toujours triste de les voir, ces piques...
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J
Par chez vous aussi, une grande surface qui avait d'une autre manière empêché les SDF de s'y poser, oui façon pigeon mal venu, de même que des bancs publics aussi... il ne fait pas bon en ville être ce volatile ou pire cet humain...
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H
J'ignorais l'existence de ces piques honteusement bavardes...<br /> Au début il y avait l'humain, avec ses immenses yeux d'enfant, joueur et content comme une loutre.<br /> Qu'avons-nous fait de notre essence?...<br /> <br /> Hélène*
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