Sphère

Publié le par Carole

Sphère
Dans les Fleurs bleues de Raymond Queneau, Cidrolin dit que "les actualités d'aujourd'hui, c'est l'histoire de demain".
En effet. Mais cette actualité-là, l'histoire en train de se faire, on nous la raconte aujourd'hui en boucle, en une et sans répit, bien avant que les historiens, demain, ne nous l'écrivent au clair, en événements et en chronologies, en fiches et en programmes de baccalauréat. On nous la déroule et l'enroule en tant d'images et de récits que ce n'est pas simple, non, que c'est vraiment toute une histoire pour y démêler quelque chose.
Bien sûr, c'est parce qu'on est dedans. Perdu sous le flot des images et des mots qui partout nous poursuivent, à la télé, dans les journaux et sur le "Net". Comment voir clair au milieu de l'orage ? On ne perçoit plus rien, que ciels brouillés et horizons voilés, bâtiments près de s'effondrer, foules suivant d'incompréhensibles trajets, silhouettes déshumanisées qui rampent et qui menacent derrière de grands pans d'ombres.
On tente le recul, on s'écarte un moment pour regarder de loin, espérant savoir à la fin.
Mais sur la vaste sphère du monde, on ne peut pas bien lire, on ne distingue encore que des formes étranges, des perspectives déformées, des foules qui attendent, beaucoup d'obscurité. Tout cela est trop loin, mobile et mystérieux, sur la sphère illisible.
On s'en revient dedans,
que pourrait-on faire d'autre ?
Dans l'orage incessant
de nos écrans en boucle
et de l'histoire en une.
 
Et de nouveau le sens
le sens le sens le sens
et l'avenir
 
échappent.
 
Et c'est cela, je crois,
bien plus que le danger
qui affole qui fait
 
peur.
 

Publié dans Fables

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D
L'actualité est importante, les médias, les images également. Mais cela tourne en boucle, à l'image de BFM. On a ensuite besoin de mots écrits. Les articles des journaux sont plus intéressants que la télévision. Il y a ensuite un niveau au dessus, c'est la littérature, c'est la philosophie. Pour ouvrir des perspectives. Pour regarder les choses avec plus de hauteur. Ou simplement différemment, comme dans cette boule.
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Q
Qu'ajouter ?<br /> Tu as tellement raison !<br /> <br /> ... me croiras-tu si je te dis que j'ai pris le parti d'éteindre la télé ?
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D
Fantastique image. Tellement parlante. Nous sommes prisonniers d'une peur parce qu'incapables de bien réfléchir. Incapables de prendre le recul nécessaire pour bien comprendre. Les médias et la nécessité (illusoire) d'instantaneité de l'information ne nous aident pas. Je suis souvent stupéfait de voir des émissions qui veulent nous expliquer avec foule de "spécialistes" qui actualités qui ne sont pas encore "terminées". Ça fait peur, c'est vrai, alors qu'il est tellement difficile de comprendre toutes les conséquences d'un fait.
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J
Une complexité qu'on tente de comprendre, mais on se sent démunis, comme ballottés par des événements qui nous dépassent. Pour moi, l'essentiel est de revenir en soi pour de réunir à soi même. Amitiés. Joëlle
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L
Oui, les nouvelles en boucle tuent plus sûrement la clarté d'esprit que l'action; nous sommes ligotés par trop de paroles, d'explications qui n'en sont pas, et ici, à Bruxelles, de confusion de plus en plus absurde qui claquemure les gens et les esprits dans un immobilisme affolé. Néanmoins, des tentatives s'amorcent; des magasins ouvrent leurs volets interdits, demain les métros reprendront leur petit voyage, les écoles ouvriront leurs portes... . J'ai fermé TV et radio. Le silence revient sur la poins pieds...<br /> <br /> Lorraine
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J
C'est tout-a-fait superbe.Plusieurs de ces sphère miroir avaient été installées lors de la rénovation de la place Stanislas à Nancy. Une vision tronquée et circulaire, comme un embrassement. Jonas
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F
il ne faut pas montrer notre peur, il faut continuer de vivre
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G
...que dire de plus après les mots d'Aragon ..que je lis ! !
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M
Dans le tourbillon de l'actualité en effet le vertige nous saisit et ce seront les générations futures qui expliqueront la folie de nos contemporains, de certains d'entre eux...
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L
Ces tueries, que l'on appelle pudiquement "évènements" et que l'on nous montre en boucle jusqu'à la nausée, ne font hélas que commencer... l'Ei parle aussi, et ce qu'ils disent fait froid pas seulement dans le dos mais au coeur!
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A
On ne sait plus se taire, laisser aux évènements le temps de se décanter pour faire l'Histoire. Mitraillages de scoops sans vérification des sources, vérités et contre vérités, rumeurs, conclusions hâtives... Qu'on se rappelle le très récent "Printemps Arabe" qui suscita tant d'enthousiasmes et d'espoirs déçus. La sphère est trompeuse et parfois (et ça c'est pour le sourire) occulte le reflet de la photographe qui la prend pourtant de face.
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A
Ah ! Enfin, je vois que les gens se rendent compte que ce sont les médias qui nous épouvantent en insistant sans cesse et en broyant de l'émotion à n'en plus finir. Mais c'est toi qui as raison de dire qu'au final la peur vient surtout de l'ignorance du sens... Et là on en vient aux questions existentielles ; ou aux questions essentielles, qui nous rapprochent de ton précédent propos avec l'affirmation des vrais philosophes : "il n'y a qu'une chose dont je sois sûr ; c'est que je ne sais rien du tout".
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M
Tout à fait d'accord avec toi Carole ainsi qu'avec Catheau et Jill.<br /> Trop , c'est trop. Chaque média y va de de son rouleau et peint et repeint sans cesse ce sujet effroyable, mais comme tant d'autres d'ailleurs.<br /> Merci Carole
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C
Trop d'images, trop de commentaires, trop de mots creux ou impropres. On aspire au silence : il " a le poids des larmes", disait Aragon.
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J
Certes oui l'actualité grave d'aujourd'hui sera dans l'histoire de l'homme... ce ne sont pas les petits bonheurs qu'on y détaille, mais les horreurs et celles-ci depuis tjs alimentent nos vies, on ne peut lire l'avenir, mais on l'espère tjs ne pas en connaître... merci !
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