L'oiseau et le jet d'eau
L'oiseau - une petite poule d'eau - s'était posé sous le jet d'eau comme au centre du monde.
Que pouvait-il faire là ? C'était très surprenant, cet oiseau immobile et contemplatif, comme un nénuphar oublié, regardant l'eau monter et descendre dans sa poussière d'arc-en-ciel.
Et si, comme moi-même, il n'avait été occupé qu'à admirer ?
Est-il possible que les animaux aient le sens du beau ?
Si... si eux aussi savaient admirer, contempler... ? Alors... ne serions-nous pas frères, jumeaux par nos regards ?
Du regard de la poule d'eau au regard d'un humain, s'il n'y avait que le cercle de l'eau, montant et descendant, unissant les semblables ? Si nous étions ensemble comme des gouttes d'eau emportées en miroirs dans le grand flot du monde ?
Nous avons tout misé, nous les humains, sur la ligne droite, sur la règle qui mesure, sur les mots qui cloisonnent, sur le progrès qui va et sur le temps qui passe, et sur les rives qui séparent. Vérités utiles, nettes et implacables. Mais si le monde, sous cette armure rigide, avait encore une autre forme, une autre vérité tranquille, où tout irait en cercle ?
Ainsi, devant l'oiseau méditatif étudiant le jet d'eau, je méditais, confuse et égarée, parmi les ronds brouillés de mes pensées ricochantes.
Mais enfin l'oiseau a repris sa route de banale poule d'eau, sa ronde de prisonnier sur l'étang, et mes pensées hésitantes sont retombées comme gouttes perdues, sous le jet d'eau indifférent à son écume.