L'oeil du hérisson
Il fourrageait dans le jardin, chasseur audacieux du soir, terreur des escargots et des limaces, fatalité des cloportes et des hannetons.
J'ai ouvert doucement la porte. Je me suis approchée. Penchée sur lui j'étais l'humain et l'inconnu, j'étais la mort peut-être.
Il n'a pas eu le temps de se mettre en boule, il s'est juste effondré sur ses pattes comme un tas de brindilles.
J'ai aperçu son oeil. Luisant, ouvert et fasciné, certain que je le guettais. Mais immobile et figé, tout à fait incapable de me regarder, moi qui étais pour lui le Danger.
L'oeil même de la Peur, ai-je pensé.
Prenant pitié de tant d'angoisse, honteuse un peu aussi d'avoir sottement joué à être le destin, je me suis fraternellement éloignée. Lui, se hissant sur ses pattes enfin délivrées, il a repris son chemin oublieux, humble Oedipe du jardin, vers cette nuit des hérissons qui ressemble tant à la nôtre.