Sur le seuil
Hier soir, en fermant les volets, j'ai découvert sur le seuil un hérisson terrifié.
Stupéfait de m'avoir vue surgir dans la lumière comme venue d'un autre monde, il s'était blotti dans sa peur comme au creux d'un tas d'aiguilles. Son souffle effaré soulevait ses épines tremblantes, tout comme un coeur d'humain aurait battu la chamade.
Je l'ai imaginé, l'instant d'avant, courant furetant dans la nuit, vivant sa libre vie de hérisson dans le jardin rempli d'ombres et de froissements furtifs, en compagnie de la hulotte. Tandis que moi je me tenais à l'abri sous la lampe, dans la chaleur bien close de la maison.
Entre sa nuit et ma lumière, il n'y avait qu'une mince cloison. J'avais ouvert la porte.
Presque rien ne sépare l'existence des humains de celle des animaux sauvages.
Nous sommes comme eux faits de chair, nous souffrons comme eux de la peur, comme eux nous repoussons la mort par de pauvres moyens.
Mais nous avons posé partout des cloisons, et refermé les portes. Ils restent à l'extérieur, forcément étrangers : c'est à ce prix que nous sommes humains.
Parfois, pourtant, sur le seuil, nous rencontrons un petit hérisson, égaré, terrifié, et nous sommes surpris, et nous sommes émus de le trouver si proche, et si semblable à nous sous son manteau d'épines.